Anne Sophie OURY-HAQUETTE: Filer les jours à l’or des petits Riens…

 Filer les jours à l’or des petits Riens…

Exposition du 15 février au 15 Mars 2018.

Anne-Sophie Oury-Haquette travaille à partir d’éléments épars ramassés ici ou là, fils de laine colorés, bouts de rubans, morceaux de dentelles, plumes, papiers déchirés, mousses, brindilles et écorces. Par accumulations, collages, rapprochements, intersections, elle crée des images oniriques qui font penser à celles si fugaces, si difficiles à fixer qui nous traversent lorsqu’aux confins du sommeil nous flottons entre rêve et réalité. Dans La Tempête Shakespeare écrit : « Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves et notre petite vie est entourée de sommeil ». De cette métaphore poétique, Anne-Sophie Oury-Haquette arrive à faire, par son travail minutieux et patient, une réalité tangible qui donne à voir, littéralement, « l’étoffe de nos rêves ». En contrepoint de ses tissages, elle compose des poèmes qui évoquent sa démarche artistique, mais aussi et surtout sa façon de vivre et de voir la vie. Textes et images s’interpénètrent alors pour faire naître des sensations qui, étrange paradoxe, permettent à celui qui regarde ces œuvres, de fabriquer ses propres rêves tout en échappant au sommeil de sa petite vie. Emile Brami, Janvier 2018

 

Je vis et travaille à Lille.

Je viens de mon enfance,

De celle de ma mère, grandie trop vite avant d’être petite,

De celle de mon père, cloué à sa fragilité,

De notre enfance vouée à réparer,

Raccommoder les déchirures,

Et de la perte encore, immense.

 

Je viens de la naissance,

Du désir acharné de voir vraiment, derrière, en dessous,

Envie de cerner les riens d’étoiles,

Guetter les lueurs cachées, les dire.

 

Ecrire, gribouiller, déchirer, coller,

Pas suivi de cours, pas de diplôme d’école d’art,

Peu montré,

Cours de français à des enfants, à des adultes étrangers, ateliers d’écriture et de théâtre, en même temps que….

Et puis l’envie nécessaire de ne plus faire que raccommoder à ma façon.

Anne Sophie Oury-Haquette

 

Les navettes sont des voyages, des allers et retours, des corps en mouvement, fils d’histoires et reprises de conversations. Afin d’en préserver la trace, tel le tissu qui seul subsiste après les incessants va-et-vient de la navette sur le métier à tisser, j’ai souhaité faire le récit de ces rencontres, de ces liens qui se sont noués spontanément au coeur de mes explorations Text’Styles. Se déplacer l’un vers l’autre, ce que l’on appelle « tisser un lien », c’est aussi inscrire dans l’espace un mouvement, telles la chaîne et la trame. Ces mouvements forment une cartographie « text’styles », une CARTOGRA-FIL. […]. Je faisais ainsi la connaissance d’Anne Sophie Oury, de sa sensibilité, de sa délicatesse. Que faisait-elle ? Elle ne savait me dire en un mot. Elle est arrivée à la gare de M sur m avec une valise extraordinaire, une valise ouvrant sur des jardins… Entrer dans le monde artistique d’Anne Sophie Oury, c’est entrer à pas très doux dans un jardin secret… Il faut écarter les branches, fouler les herbes dans un bruissement discret, caresser délicatement les fleurs, chercher les mots enfouis autour des arbres qu’elle aime tant. Derrière les dessins aussi minutieux que mystérieux, je découvre des mots familiers «tous les jours, je recommence le même chemin ». Je touche délicatement les matières : des morceaux de tissus choisis, des rubans.. Le textus était là devant moi, il sortait d’une valise. […] Peut-être y avait-il dans son tissage de mots, d’arbres et de tissus, des bribes de narration de cet impossible retour…peut être est-ce là aussi l’écriture, son écriture. Isabelle Baudelet pour « Text’Styles »

 

Je suis la veilleuse d’oublis

Et je marche dans ce matin frais qui hésite encore,

Mon manteau lourd de nous

Sur les épaules,

et tes mains si vivantes, pressées, frémissantes

Comme des oiseaux en fuite et sans nid.

Et je sème sur l’eau immobile, profonde et verte

dans la lumière trempée de septembre

L’écho de nos petites joies.

Anne Sophie Oury-Haquette